LA BIÈVRE, UNE RIVIERE SECRÈTE

janvier 30, 2017

Tout le monde connaît la Seine, corps et âme de Paris, grand artère commercial, culturel et touristique. Peut-être avez-vous déjà prix un voyage en bateau-mouche pour mieux apprécier cette rivière bien-aimée? Mais saviez-vous que sa soeur cadette, la Bièvre, coulait en plein coeur de Paris jusqu’à son bannissement sous terre?

La Bièvre prend sa source dans les Yvelines et rejoint la Seine à la gare d’Austerlitz. Ce cours d’eau autrefois vibrant, qui tient son nom des castors qui habitaient ses bords (du Gallois bebros) était victime de l’industrialisation du centre de Paris. La rivière a été divisée en deux: son cours naturel a été nommé le bras mort et le cours construit par l’homme le bras vif.

Des bouchers, des tanneurs, des blanchisseurs, des bottiers, des meuniers, des fabricants de textiles et j’en passe l’ont traité de dépotoir, à tel point qu’elle est devenue un risque pour la santé. C’est notre cher vieux Baron Haussmann (voir mon article dans l’archive sous la rubrique Paris en date du 16 mai 2016), qui a fini par décider que la partie Parisienne de la Bièvre devait disparaître. Aujourd’hui elle fait partie des égouts de la capitale.

Mais la rivière a toujours ses défenseurs, notamment les Lézarts de la Bièvre, une association d’artistes qui s’organisent autour de la rivière cachée et s’installent dans des ateliers du quartier. Des plaques commémoratives enfoncées dans le trottoir rappellent le tracé des deux bras.

À propos, quelle est la différence entre une rivière et un fleuve? Il paraît qu’un fleuve se jette toujours dans la mer et est souvent de taille importante.

Des tanneries le long de la Bièvre à la fin du 19e siècle

Tanneries alongside the Bièvre at the end of the 19th century

THE BIÈVRE, A SECRET RIVER

Everybody knows the Seine, the heart and soul of Paris, the big commercial, cultural and tourist artery. Maybe you’ve been on a boat-ride in a ‘bateau-mouche’ (pleasure boat) to get a better view of this beloved river. But did you know that its younger sister, la Bièvre, flowed right through the heart of Paris until it was banished underground?

The Bièvre rises in the Yvelines and joins up with the Seine at the Gare d’Austerlitz. This previously vibrant waterway, which gets its name from the beavers who used to live in its banks (from the Gallic bebros), was the victim of the industrialisation of the centre of Paris. The river was divided into two: its natural course was called the ‘dead arm’ and the manmade course the ‘living arm’.

Butchers, tanners, launderers, shoemakers, millers, textile makers and many more besides treated it as a dumping ground, to the extent that it became a health hazard. It was dear old Baron Haussmann (see my article in the archive under the ‘Paris’ heading, dated 16 May 2016), who ended up deciding that the Parisian section of the river had to disappear. Nowadays it is part of the Paris sewage system.

But the river still has its advocates, notably the ‘Lézarts de la Bièvre’, a group of artists who are organising themselves in the area of the hidden river and setting up in workshops in the district. Commemorative plaques sunk into the pavement show you the route of the two ‘arms’.

By the way, what’s the difference between ‘une rivière’ and ‘un fleuve’? Apparently, ‘un fleuve’ always flows into the sea and is often of significant size.


EMMAÜS ET L’ABBÉ PIERRE

janvier 23, 2017

«Je ne peux pas t’aider, je n’ai rien à te donner. Mais toi, tu peux m’aider à aider les autres.»

Emmaüs est une organisation laïque de lutte contre l’exclusion, fondée par le prêtre catholique Abbé Pierre (de son vrai nom Henri Grouès) en 1949. Emmaüs est le nom d’un village en Palestine qui figure dans l’évangile selon saint Luc.

Après avoir rencontré quelqu’un qui venait de faire une tentative de suicide, l’Abbé Pierre lui avait demandé de venir ‘aider à aider’. C’est ainsi que le mouvement Emmaüs s’est mis en marche. dans une maison à Neuilly-Plaisance ou l’abbé a commencé ses activités de recyclage, un aspect toujours important chez Emmaüs aujourd’hui.

L’Abbé Pierre était député entre 1945 et 1951. Avec Albert Camus et André Gide, il a fondé le comité de soutien à Garry Davis, fondateur du mouvement des citoyens du monde. En février 1954, au cours d’un hiver particulièrement rude, l’Abbé Pierre a lancé un appel aux Français sur les ondes de Radio Luxembourg qui a fait date. Il les exhortait à une “insurrection de la bonté” en faveur des sans-abri et des plus démunis de la société. La réponse était faramineuse.

Pour voir des vidéos qui expliquent l’histoire de cet hiver et pour écouter l’appel de l’Abbé Pierre:

https://www.youtube.com/watch?v=UkM8xsVe2q0 

https://www.youtube.com/watch?v=OhxDjbKumlE

Entre 1959 et 1960, l’Abbé Pierre a mené des conférences à travers le monde et en 1971 Emmaüs International a été créé. Ses valeurs principales se résument par la solidarité, l’accueil inconditionnel, l’autonomie par l’activité et le développement durable, L’Abbé Pierre est mort le 22 janvier 2007 à l’âge de 94 ans, mais il a laissé un héritage durable. L’association lui a rendu hommage hier et a appelé à poursuivre sa lutte contre la pauvreté, notamment sur Twitter, sous le hashtag #OnContinue.

À noter qu’Emmaüs se pronounce en trois syllabes: Emm – a – üs.

EMMAÜS AND ABBÉ PIERRE

I can’t help you, I’ve nothing to give you, but you can help me to help others”

Emmaüs is a secular organisation fighting social exclusion, founded by the catholic priest Abbé Pierre (real name Henri Grouès) in 1949. Emmaüs is the name of a Palestinian village which is mentioned in the Gospel according to Saint Luke.

After meeting someone who had just tried to commit suicide, Abbé Pierre asked him to come and ‘help to help’. This was how the Emmaüs movement started up in a house in Neuilly-Plaisance where the priest began his recycling activities, still an important part of Emmaüs today.

Abbé Pierre was a French MP between 1945 and 1951. With Albert Camus and André Gide, he set up the support group for Garry Davis, the founder of the World Citizens movement. In February 1954, during a particularly harsh winter, Abbé Pierre launched an appeal to the French people on the airwaves of Radio Luxembourg, which marked a milestone. He urged them to take part in an “uprising of kindness” in support of the homeless and the poorest people in society. The response was huge.

To see videos telling the story of this winter and to hear Abbé Pierre’s appeal:

https://www.youtube.com/watch?v=UkM8xsVe2q0

https://www.youtube.com/watch?v=OhxDjbKumlE

Between 1959 and 1960, Abbé Pierre went on a world lecture tour and in 1971 Emmaüs International was born. Its main values can be summed up as solidarity, unconditional welcome, independence via activity and sustainable development. Abbé Pierre died aged 94 on 22 January 2007, but he has left an enduring legacy.

The charity paid tribute to him yesterday and called for people to continue the fight against poverty, notably on Twitter using the hashtag #OnContinue (We fight on)

Note that Emmaüs is pronounced with three syllables: Emm – a – üs.


LES TONTONS FLINGUEURS

janvier 16, 2017

Avez-vous déjà entendu parler des tontons flingueurs, sans savoir exactement de quoi il s’agit?

C’est le titre d’un film décalé qui a connu un immense succès populaire et qui est devenu un vrai film culte.

Cette comédie franco-germano-italienne, réalisée par Georges Lautner, est sortie en 1963, adaptation du roman d’Albert Simonin Grisbi or not Grisbi. Elle est pleine d’’expressions argotiques, de bribes de dialogue et de noms de personnages (comme la pute Lulu La Nantaise) qui sont rentrés dans la culture populaire.

Parmi les plus connus:

Ne touche pas au grisbi, salope”, “Faut reconnaître, c’est du brutal”, “Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît”.

La petite vie tranquille de Fernand bascule quand il est appelé au lit de mort de Louis, son ami d’enfance dit le Mexicain, de retour à Paris et qui lui confie la gestion de ses affaires et l’éducation de sa fille. Ce qui suit est un pastiche des films de gangster américains.

La version anglaise de ce film de patrimoine français s’appelait Crooks in Clover. Un flingueur est quelqu’un qui utilise des armes à feu, un tueur, un malfaiteur. Tonton c’est bien sûr oncle en langage enfantin. Le verbe flinguer veut dire tuer, détruire ou métaphoriquement démolir la réputation de quelqu’un, d’où son emploi fréquent par les journalistes. Le Nouvel Obs a décrit Alain Juppé, qui était candidat à la nomination de la droite pour les présidentielles, “le tonton flingueur de la droite”.

http://tempsreel.nouvelobs.com/edito/20161011.OBS9674/il-dynamite-il-disperse-il-ventile-juppe-le-tonton-flingueur-de-la-droite.html#xtor=EPR-1-[ObsActu8h]-20161012

THE KILLER UNCLES

Have you ever heard of “les tontons flingueurs”, without knowing exactly what it’s all about?

It’s the title of a quirky film which was a big box office hit and became a real cult film.

This Franco-German-Italian comedy, directed by Georges Lautner, came out in 1963, an adaptation of Albert Simonin’s novel “Grisbi or not Grisbi” (Loot or not Loot). It’s full of slang expressions, snatches of dialogue and characters’ names (such as the prostitute Lulu La Nantaise) which have come into popular culture.

Amongst the most well known:

Don’t touch the loot, bitch”, “You’ve got to admit, it’s brutal” “Bloody idiots try anything, that’s how you recognise them”.

Fernand’s quiet little life is rocked when he’s called to the deathbed of Louis, his childhood friend known as “the Mexican”, who’s returned to Paris and entrusts him with managing his affairs and educating his daughter. What follows is a pastiche of American gangster films.

The English version of this French classic was called “Crooks in Clover”. “Un flingueur” is someone who uses firearms, a killer, a wrongdoer. “Tonton” is of course “uncle” in childish language. The verb “flinguer” means to kill, destroy or, metaphorically, to demolish someone’s reputation, hence its frequent use by journalists. In the Nouvel Observateur magazine, Alain Juppé, who was a candidate for the right’s nomination in the presidential elections, is described as “the tonton flingueur of the right”.


LES PARISIENNES

janvier 9, 2017

C’était comment pour les femmes qui vivaient à Paris entre 1939 et 1949? Si cette époque de l’histoire vous intéresse, le livre d’Anne Sebba “Les Parisiennes” (écrit en anglais) va vous plaire énormément. À une époque où les femmes n’avaient pas le droit de vote (seulement acquis en 1946), elles ont néanmoins joué un rôle important pendant “les années noires” de l’occupation allemande.

Sebba examine les collaboratrices et les résistantes, les actrices et les putes, les enseignantes et les écrivaines, les espionnes et les maîtresses, les grandes couturières et les coureuses automobiles (oui, vous l’avez lu correctement), afin de brosser un tableau des choix entre la vie et la mort auxquels les femmes étaient confrontées chaque jour.

L’exode de Paris de millions de personnes et les tribulations de la vie quotidienne de celles qui sont restées sont cataloguées en détail d’une façon fascinante. Il y a plusieurs photos intéressantes, dont une de chics femmes cyclistes qui pédalent à travers Paris pour la “Journée d’élégance à bicyclette” en juin 1942 (le pantalon était interdit mais des jupes-culottes contournaient le problème). Une autre photo montre les sacs cylindriques à la mode que les femmes portaient pour transporter leurs masques à gaz.

Au revers de la médaille, on voit aussi la photo d’une femme accusée de “collaboration horizontale”, humiliée en public, tondue et une croix gammée peinte sur le front.

Un bon livre à parcourir ou à lire de la première à la dernière page, selon le goût personnel.

LES PARISIENNES

What did it feel like to be a woman living in Paris from 1939 to 1949? If you’re interested in the history of this period, you’ll really like Anne Sebba’s book Les Parisiennes (written in English). At a time when French women didn’t have the vote (only acquired in 1946), they nevertheless played an important role during the ‘dark years’ of the German occupation.

Sebba looks at collaborators and resisters, actresses and prostitutes, teachers and writers, spies and mistresses, fashion designers and racing drivers (yes you read that correctly), to paint a picture of the life-and-death choices women had to face every day.

The flight from Paris of millions of people and the trials and tribulations of those who stayed behind are catalogued in fascinating detail. There are several interesting photos, including one of glamorous lady cyclists pedalling through Paris on the « Elegance on Bicycles Day » in June 1942 (trousers were officially prohibited but the divided skirt got round the problem). Another photo shows the fashionable cylindrical bags women carried containing their gas masks.

On the other side of the coin, you can also see a photo of a woman accused of “horizontal collaboration”, publicly humiliated, her head shaved and a swastika painted on her forehead.

A good book to dip into or to read cover to cover according to your taste.


LA TECHNOLOGIE MISE EN QUESTION

janvier 2, 2017

En ce début de 2017, la société fait face à de nombreux défis (sans ordre particulier): le changement climatique, le problème des réfugiés et migrants, l’agitation politique, la montée de l’extrême droite et une myriade d’autres problèmes. Avec tout ce qui se passe sur la scène internationale, il est facile de sous-estimer l’effet que produit la technologie sur les individus: médiatisation à outrance, dépendance aux smartphones et surutilisation, abus même des réseaux sociaux.

Des articles qui ont retenu mon attention récemment – sur Internet bien sûr, oui, moi aussi je suis accro – illustrent combien ces technologies nous laissent perplexes et incapables de savoir comment procéder. Le lancement de www.babytwit.fr fait froid dans le dos. Bien intentionnée sans doute, cette version junior de twitter, destinée aux jeunes élèves dans le but de les sensibiliser aux réseaux sociaux sans les exposer au vrai de vrai, va-t-elle respecter la vie privée des enfants? Et l’utilisation du véritable Twitter par les leaders mondiaux, n’est-elle pas souvent puérile et une perte de temps?

À partir du 1er janvier, les salariés français (dans des entreprises avec plus de 50 salariés), eux, sont les premiers au monde à bénéficier du droit à la déconnexion. Cette nouvelle loi va obliger les entreprises à élaborer une charte qui définit les heures et les circonstances dans lesquelles ses travailleurs ne sont pas obligés de répondre aux emails. Ceci afin d’éviter l’épuisement de leurs salariés qui souffrent trop souvent de ce que la ministre du Travail Myriam El Khomri appelle l’info-obésité qui touche beaucoup de lieux de travail. Il paraît que la détox digitale est très tendance: les centres de thalasso et hôtels spa encouragent leurs clients à se sevrer du numérique.

D’accord, il y a du bon et du mauvais dans le domaine de la technologie. Mais pour les apprenants de français, les avantages sont innombrables. Pour ceux parmi vous qui se passionnent pour l’histoire-géo, sachez qu’il y a de nouvelles chaines YouTube qui vulgarisent ces matières, les rendent plus abordables et les racontent d’une façon ludique. www.youtube.com/user/ParlonsYstoire en est un bon exemple. Si nous nous assurons de maîtriser la technologie moderne sans qu’elle nous maîtrise, tout ira peut-être bien.

J’attends vos commentaires, en français ou en anglais. Entretemps, bonne année à tous et à toutes.

THE CHALLENGE OF TECHNOLOGY

At the beginning of 2017, society is facing numerous challenges (in no particular order): climate change, refugee and migrant problems, political upheaval, the rise of the far right and myriad other problems. With everything that’s going on on the international stage, it’s easy to underestimate the effect of technology on individuals: saturation media coverage, addiction to smartphones, over-use and even abuse of social networks.

Stories which have caught my eye recently – on the Internet of course, yes I’m an addict too – show just how much these technologies confuse us and leave us unsure how to proceed. The launch of www.babytwit.fr sends shivers down my spine. Doubtless well-intentioned, will this junior version of Twitter, aimed at educating young schoolchildren about social networks without exposing them to the real thing, respect children’s private lives? And isn’t the use of Twitter itself by world leaders often childish and a waste of time?

From the 1st of January, French employees (in companies with over 50 staff) are the first in the world to benefit from the right to disconnect. This new law forces companies to draw up a charter defining the hours and circumstances in which workers don’t have to reply to emails. This is to avoid burnout amongst employees who too often suffer what the employment minister Myriam El Khomri calls “info-obesity” and which is affecting a lot of workplaces. Apparently digital detoxing is very trendy: spas and hotels are encouraging their customers to wean themselves off of their digital devices.

OK, technology is a mixed blessing. But for French learners, there are numerous advantages. For those of you who take an avid interest in history and geography, note that there are new YouTube channels which are popularising these subjects, making them more accessible and explaining them in a fun way. www.youtube.com/user/ParlonsYstoire is a good example. If we make sure that we control modern technology without letting it control us, perhaps all will be well.

I look forward to your comments, in French or in English. Meanwhile, a Happy New Year to you all.